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GEOPOLITIQUE

LA REPUBLIQUE DE MOLDAVIE FACE AU DROIT INTERNATIONAL

LA REPUBLIQUE DE MOLDAVIE FACE AU DROIT INTERNATIONAL

par Félix VAINGUER de l’Université de Toulon et du Var, historien des sociétés.

1 Préambule.

Lorsqu’un citoyen moldave sort de son pays, il est, pour toutes les

autorités chargées de vérifier son passeport, un Moldave, et nul ne se

soucie de savoir quelle est sa langue maternelle, sa religion ou l¹histoire

de ses ancêtres. En droit international, c’est le droit du Sol et non le

droit du Sang qui s’applique, de jure et de facto. Il n¹en va pas de même

dans le droit intérieur de chaque pays, et dans le cas de la république de

Moldavie, nous verrons que le choix entre droit du Sang et droit du Sol, a

des incidences notables sur la stabilité du pays et sur le niveau de vie des

habitants.

2 Droit du Sang et droit du Sol.

Le droit du Sang définit la nationalité selon les ancêtres de chaque

citoyen : quiconque a des ancêtres allemands, ou russes, sera considéré

respectivement Allemand, ou Russe, quel que soit le pays dont il est le

ressortissant et quel que soit le lieu où il vit.

Le droit du Sol définit la nationalité par la citoyenneté : quiconque a un

passeport américain, ou français, sera considéré respectivement comme

Américain, ou Français, quelles que soient ses origines, sa culture ou ses

croyances.

3 Quelques exemples.

En droit du Sang (apparu en Europe centrale durant le 19ème siècle), la

notion de base est le Volk, l’Ethnos, le Neam, c’est-à-dire l’ethnie (innée

et génétiquement héréditaire chez les théoriciens racistes). C¹est une

notion plus politique que scientifique, puisqu’elle s’appuie sur des

prémisses erronées (mêlant biologie, anthropologie, sociologie, histoire,

géographie et ethnologie, c¹est-à-dire des sciences naturelles et humaines)

dans le but de produire des mythes censés assurer l’ordre établi d¹une

collectivité.

Pour produire ces mythes, les aspects linguistiques sont utilisés sans tenir

aucun compte des règles des sciences géographiques et du langage, en

confondant la notion de langue (par exemple francophone), la notion de

citoyenneté (par exemple Belge) et la notion d’appartenance culturelle,

historique ou régionale (par exemple Wallon).

Scientifiques, les géographes et les linguistes ne font pas ces confusions.

Conformément au droit du Sol et aux règles de la science, ils distinguent

d’un côté des Britanniques, des Belges, des Suisses ou des Moldaves sans

préjuger de leurs langues usuelles, et d¹un autre côté des anglophones, des

francophones, des russophones ou des roumanophones sans préjuger de leurs

citoyenneté.

Même si sur le plan politique, un parlement adepte du droit du Sang,

définissait des langues Parisienne, Orléanaise, Chisinéenne, Baltéenne ou

Pridniestréenne différentes du français, du roumain ou du russe, ces

définitions n’auraient aucune valeur sur le plan scientifique, pas plus que

n’en aurait l’invention d’une langue Suisse ou d¹une langue Belge. Or le

parlement de la république de Moldavie a défini, dans l’article 12 de la

Constitution moldave, une langue moldave, en ignorant délibérément la

science et le droit international.

4 Le droit international et la science.

Selon le droit international, tous les citoyens de la république de Moldavie

sont de nationalité Moldave, quelles que soient leurs langues et leurs

origines. Selon la science, ces Moldaves peuvent être russophones,

roumanophones, ukrainophones, bulgarophones, tout ce qu’ils voudront. Il

existe des dictionnaires français-russe, français-roumain,

français-ukrainien et français-bulgare, mais aucun dictionnaire

français-moldave (il existe par contre un dictionnaire roumain-moldave, qui,

transposé en français, donnerait un merveilleux dictionnaire

français-belge).

5 Le droit constitutionnel de la république de Moldavie.

L¹article 12 de la Constitution moldave introduit une sorte d¹apartheid

entre majorité et minorités, avec des différences de droit entre elles.

La Constitution ne reconnait comme Moldaves que les roumanophones

majoritaires, ce qui n¹encourage pas les minorités à se sentir citoyennes

d¹un état portant un nom qui leur est refusé.

Par contre, les minorités disposent d’un droit dont la majorité est privée :

celui de développer librement leur identité en lien avec les pays voisins,

comme membres d’une communauté culturelle et historique dépassant les

frontières de la Moldavie (russe, ukrainienne, bulgare, turque…). La

majorité se voit interdire ce développement culturel, puisqu¹elle est la

seule à ne pas être reconnue comme membre d¹une communauté dépassant les

frontières de la Moldavie (roumanophone).

6 Conséquences.

La discrimination constitutionnelle entre majorité et minorités traduit, et

en même temps entretient, les difficultés de la république de Moldavie pour

construire une identité acceptable par tous les citoyens du pays. Ces

difficultés sont :

l¹instabilité constitutionnelle et législative (la Constitution, de

nombreuses lois, l’hymne de l¹état, l’organisation territoriale, les

uniformes, les institutions, ont subi de nombreux changements parfois à 180°

depuis l’indépendance). Cela décourage les investisseurs et entretient un

grave marasme économique (le PIB de la Moldavie est inférieur à celui du

Bangladesh et est le plus petit d¹Europe ; 40% de la population active est

expatriée) ;

l¹impossibilité de construire un patriotisme local, de donner à la

population un minimum de confiance dans l¹avenir de du pays (comme on le

voit à travers les graves problèmes de l’enseignement et à travers la

proportion élevée de doubles ou triples citoyennetés parmi les

ressortissants Moldaves) ;

une organisation territoriale où le fédéralisme n¹est pas une association

à égalité entre unités territoriales aux mêmes droits, mais une

discrimination juridique et économique au profit de deux d¹entre elles, et

au détriment des autres, où le gouvernement n¹a aucune autorité et qui

constituent des zones de non-droit ouvertes à divers trafics (capitaux

illicites, armes, tabac, stupéfiants, prostitution, sang, organes) qui font

de la Moldavie le mouton noir de l¹Europe ;

l’instabilité des relations de la Moldavie avec les pays voisins : pour

rassembler ses électeurs, chaque parti politique moldave se sert de

relations privilégiées avec l¹un des pays voisins ; pour effrayer ses

électeurs, il dénonce les relations privilégiées des partis adverses avec

d’autres pays.

7 Conclusion.

Aucune des composantes culturelles-linguistiques de la Moldavie ne peut être

étouffée et niée sans péricliter gravement la stabilité et l’avenir de

l’état : ni la slave, ni la latine ; ni la russe, l’ukrainienne, la bulgare

ou la gagoutsie, ni la roumaine.

La république de Moldavie ne sortira du marasme et de l’instabilité qu¹en

adoptant sans restrictions le droit international du Sol, en acceptant que

tous ses citoyens soient égaux devant la loi quelles que soient leurs

langues et leurs origines, que toutes ses unités territoriales soient égales

en droits entre elles, que toutes les langues et cultures aient les mêmes

droits et que les habitants soient tous Moldaves, quelle que soit leur

langue : russe, roumaine, ukrainienne ou autre.

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